Assurance-vie : « les compagnies se tirent une balle dans le pied »
Le Monde.fr | 24.02.2015 à 14h38 • Par Cyrille Chartier-Kastler
Les assureurs-vie investissent, en moyenne, 83 % de leurs actifs en obligations. Conséquence, une collecte importante signifie une dilution des rendements futurs.
En novembre dernier, Christian Noyer, président de l’Autorité de contrôle prudentiel (ACPR), avait enjoint aux sociétés d’assurance-vie de baisser significativement les rendements qu’elles comptaient servir en 2014.
Ce discours n’a visiblement pas été entendu par le secteur, la plupart des sociétés décidant de servir des rendements en baisse de seulement – 0,30 % à – 0,40 %. Dès lors, le rendement moyen des taux des fonds en euros devrait se…..  situer, selon nos estimations, entre 2,40 % et 2,50 %.
Voir notre tableau récapitulatif : Assurance-vie : les taux 2014 des fonds en euros
Les assureurs-vie arguent avoir servi des taux en baisse tout en renforçant leur provision pour participation aux bénéfices (PPB), cette réserve qui doit leur permettre de faire face à un choc.
Mais en servant un rendement moyen de 2,40 % à 2,50 % en 2014, les assureurs-vie confortent dans la tête des Français l’idée que le fonds en euros est aujourd’hui un placement sûr et rentable.
Parions que la collecte nette de l’assurance-vie, qui a dépassé 21 milliards d’euros en 2014, sera encore plus élevée en 2015, notamment sur les fonds en euros.
DILUTION DES RENDEMENTS FUTURS
Tout irait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes… si l’on oubliait que l’OAT à 10 ans (c’est-à -dire « le taux » de référence des placements obligataires) oscille entre 0,50 % et 0,60 % depuis le 1er janvier 2015.
Or les assureurs-vie investissent en moyenne 83 % de leurs actifs en obligations. Conséquence, une collecte importante signifie une dilution des rendements futurs : les obligations aux rendements élevés arrivent à échéance et sont remplacées aujourd’hui par des obligations aux taux anémiques.
Lire (en édition abonnés) : Pourquoi les taux bas donnent la migraine aux assureurs-vie
Des niveaux qui ne permettront même pas de servir un taux de 0 % à terme aux épargnants, après déduction des frais de gestion du contrat, des coûts de distribution et d’administration de l’assureur-vie et de la rémunération des capitaux investis par l’actionnaire…
Cela pose aussi un risque de rentabilité (voire de solidité) à terme de l’assurance-vie si les taux continuaient encore à baisser et/ou si la période de taux historiquement bas dans laquelle nous sommes entrés durait encore 5 à 10 ans (scénario « à la japonaise »).
Dans ce scénario, les assureurs-vie auront épuisé leurs réserves d’ici à 5 ans ; délivrer au-delà un rendement à 0 % conduirait alors les assureurs-vie à ne plus pouvoir absorber leurs frais de distribution et de gestion.
Le mieux pour les assureurs-vie aujourd’hui serait que les Français investissent désormais leur épargne sur des unités de compte et que les fonds en euros cessent de collecter. C’est malheureusement le contraire qui se produit.